La déferlante des étangs
un jour
tout chemin cajolé dans la poche
tout chemin espéré caressé dans la paume
roule sans équilibre
s'écoule en ricanant
métamorphose liquide
creuset de vase monstre
au très grand appétit
l'osmose de mes jours
ses paupières mi-closes
laisse goutter alors une nuit
de sel cru et cruel
dans le sablier
le sang lourd et sombre
racine dans mes marécages
polit le noyau noir
de mes sources
La déferlante des étangs
encore une fois
la montée des ombres
submerge nos regards
notre monde chavire entre iris et paupière
par les fissures d'anciens ponts
nos existences
font de chaque instant
un point pétri d'eau et de boue
l'évasion tourne dans nos cellules
nos infinis craquelés
s'étendent en marécages ouverts
toi moi debout
pour les grandes marées déferlantes
La déferlante des étangs
la folle étendue s'empare du soir
la ligne de coeur appelle l'horizon
le détachement dans l'étirement
l'effacement dans les remous du vent
demeure pourtant la constance infranchissable
d'un passé ouragan
la fulgurance possessive de sentiments survoltés
l'isolement tenace et aveuglé des sens
coque fermée à la mélancolie saignante
la main dans le courant
se retire et dérive
sur la terre qui tourne
elle saura attendre
La déferlante des étangs
une goulée de soir épuise le miroir
ronde de nuit
mon image se sauve
me laisse
la rude solitude saturée par le temps
mes courses vides pleines à ras bord
la peau de la fatigue qui dessèche le coeur
la faiblesse durcie qui resserre sa prise
l'angoisse si brillante polie par chaque jour
et la fuite flottante des longs os de l'amour
tenir sans effleurer
serrer serrer
se jeter
où retrouver
ce qu'il me reste d'autre
La déferlante des étangs
l'immense dans son étendue
approche l'homme nu
je suis l'image instable
un flou bourdonne à mon oeil
tout existe sans présence
les géométries s'emmêlent
longueurs langoureuses et grands vacillements
l'esprit rebondit sans se heurter
butine s'alanguit
sa dérive aérienne vibre avec ses soleils
trajectoires droites trémolos points d'orgue grandes vagues
le temps en accordéon suit ces glissements légers
parfumés de douce chaleur
il se détache survole se dilue
éparpillé en gouttelettes
son espace s'étire vers l'absence
je me pose sur un rien navigue sur la lumière
je vois renvoie et lance au loin
boules de soleil trajectoires de poudre
soudain le temps se vrille
se love autour du dense
le regard fixe plombé est une fuite
face à moi une surface plane est lumière de miroir qui se boucle