visage de l'effondrement
Visage de l'effondrement
La série Visage de l'effondrement est intégralement publiée sous forme de carnet 25x20cm, 48p, texte d'introduction, 33 photographies. Edition limitée, chaque ouvrage est numéroté.
Vous pouvez le commander en me contactant à l'adresse mail jlbec@orange.fr ou par les messageries de FaceBook (compte Jean-Louis Bec) ou d'Instagram (compte @becjeanlouis).
Visage de l'effondrement (extraits du texte et de la série photographique)
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La plage... Son espace est barré, limité, longé dans sa longue course par un déroulement continu de falaises, constructions hautes, étonnamment verticales. On songe à une frontière, à un au-delà, territoire hargneux et menaçant dont la falaise ne serait que la tranche vive, la carapace imprenable. Entre mer et continent en surplomb, la plage et le tout de ses images, de ses échappées, ne vit intensément que dans mon imaginaire, ma volonté de m'abstraire et de m'arracher au monde.
Falaise-frontière, vague minérale dressée, monstre en armure, limite, menace, obstacle, la falaise, au-delà de cette impression spontanée et méfiante, s'impose aussi comme la fragilité même quand on la considère avec attention et bienveillance. Dans sa nudité, elle se révèle porteuse malheureuse de germes de destruction et de disparition. Sa force apparente, sa hauteur, ne sont qu'un leurre, son portrait une suite de stigmates. Alors la falaise... C'est surtout une plaie dressée, des matières mêlées, entassées, organisées sous la forme d'une architecture fomentant son anéantissement, sa destruction. Calcaire, galets s'étreignent dans un partage de vie et de mort, proie facile pour la mer, le gel et l'eau réunis. La fragilité, oui, le transitoire, l'éphémère en mouvement. C'est cela la falaise. Du minéral embourbé, castré, remodelé sans fin, des excavations, des grottes forées jusqu'aux profondeurs les plus dissimulées, des fissures, des coulures telles des saignements, des effondrements de masses molles et rompues. Le précaire fatal fore, grignote, vermine cruelle, appétit rampant.
La falaise renvoie inévitablement à la déliquescence et à la mort. La contempler, la détailler, la voir subir, souffrir, c'est imaginer la suite de son démantèlement, son effondrement. Cette érosion lente et programmée est d'ailleurs l'une de ses sources de beauté. La beauté mortuaire et fascinante de l'inexorable qui ronge les géants en prenant son temps, le sentiment puissant de la mort éprouvé à travers le mêlé changeant et coloré des matières bouleversées par le travail de sape obstiné d'un prédateur sournois.
Cette géologie vivante, fondamentalement entropique renvoie aussi, parallèlement, inévitablement, à la fragilité et au vieillissement de toutes choses, des êtres vivants en particulier, à leur fatale décrépitude, à leur disparition programmée, leur dispersion. L'écroulement de la falaise est lié à notre perte, à l'éphémère de nos existences.
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Un coup d'oeil imaginatif et j'entrevois, face à ces pans de roches minés de part en part et subissant le même sort qu'eux, des êtres, des visages se déchirant, des visages déchirés, convulsés, troués, les traits boursouflés par la poussée des miasmes intérieurs, les peaux soulevées, les muscles rétractés, les os brisés, les crânes décharnés, bosselés, les chairs remodelées, arrachées, perdues. Les bouches sont souvent ouvertes, tordues, grimaçantes, les gencives miment le rire d'une démence pétrie par la mort. Des falaises, de leur verticalité morbide, surgissent ainsi des cohortes de portraits disloqués, des files d'images qui se suivent ; des êtres en perdition, déjà morts, encore vivants, existant sans exister. Des morts-vivants, des êtres aux regards troubles, terrifiants et fous, qui regardent sans voir.
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